L’accompagnement du sujet âgé peut-il faire l’économie du transgénérationnel

Publication du 30 juillet 2025
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Rencontre avec Pierre RAMAUT, psychanalyste transgénérationnel – 28 juin 2025 lors d’un week-end associatif à Bruxelles

Pierre RAMAUT exerce la psychanalyse et la psychanalyse transgénérationnelle à Mons en Belgique. Il est également sophrologue. Après un parcours psychanalytique Lacanien et Jungien, sa rencontre avec Anne Ancelin Schützenberger lui a fait découvrir l’existence de la psychogénéalogie et particulièrement l’utilité du Génosociogramme ce qui l’a ensuite tout naturellement invité à se former à la psychanalyse transgénérationnelle, au Jardin d’idées à Paris, avec Didier Dumas et Bruno Clavier.

L’analyse transgénérationnelle
propose à l’individu d’explorer sa généalogie, d’identifier les traumatismes non digérés, les tâches inachevées, les deuils non faits et les secrets de famille, mais aussi de pouvoir se représenter les différents contextes (sociologiques, historiques, philosophiques, etc.) dans lesquels les évènements se sont déroulés. Nommer «l’impensé généalogique » aide à transformer le symptôme en symbole et permet au passé ancestral resté en suspens dans l’inconscient de rejoindre l’histoire de l’individu et de sa famille. Réaliser ensuite le récit de cette histoire familiale revisitée, ce que l’on y a perçu, deviné, découvert et conscientisé complètera le processus d’intégration transgénérationnelle  

Pierre Ramaut a créé 2 outils internet:

www.geneasens.com – Généasens est une communauté dont le but est d’enrichir un ensemble d’informations et d’outils concernant la psychogénéalogie et l’analyse transgénérationnelle. www.commemoria.com : une application innovante au service du récit de vie transgénérationnel. Commemoria est une application collaborative de lignes du temps multimédia qui permet la transmission d’un maximum d’informations organisées chronologiquement, en utilisant des canaux visuels, auditifs et verbaux grâce à l’exploitation de documents en tout genre: vidéos, photographies, musique, …
Son objectif est de permettre le partage de chronologies et d’événements biographiques et contextuels par des personnes ou des organisations qui souhaitent laisser une trace, raconter l’histoire d’une existence et pérenniser la vie d’un être humain tant sur le plan individuel que collectif.

Liens utiles : Vidéo https://youtu.be/Douxbw2igLM

Quelques extraits de la conférence

• La transmission de la mémoire entre les générations est fondamentale pour la santé mentale des individus et des lignées.

• La transmission intergénérationnelle est consciente.

• La transmission transgénérationnelle est inconsciente.

• La transmission transgénérationnelle est un défaut de transmission consciente entre les générations due à un impossible a dire ( traumatisme non intégré, deuils non-faits , tâches inachevées, secrets, etc

Avec l’avancée en âge, les enjeux psychiques évoluent. La personne âgée ne se définit plus seulement par son présent ou ses projets, mais aussi par son rapport au passé, sa mémoire, ses transmissions, ses deuils. Dans cette phase de vie, le travail de rétrospection devient central : qu’a-t-on vécu, que laisset-on derrière soi, que reste-t-il à transmettre ou à apaiser ?

Or, ce regard rétrospectif ravive souvent les empreintes transgénérationnelles, conscientes ou non. De nombreux récits de vie sont traversés de loyautés invisibles, de secrets familiaux, de pertes anciennes non symbolisées. Ne pas en tenir compte, c’est risquer de méconnaître la profondeur de la subjectivité du sujet âgé.

Certaines expressions symptomatiques chez les personnes âgées peuvent être reliées à un matériel transgénérationnel :

États dépressifs récurrents ou apathie sans cause immédiate visible.

Anxiété face à la mort disproportionnée, comme si la fin de vie réveillait la mémoire de morts non dites, non pleurées.

Altérations cognitives, parfois envisagées — dans une lecture symbolique — comme un retrait protecteur face à des conflits psychiques trop lourds.

Phénomènes de « retour du passé » dans les démences, où surgissent des noms oubliés, des scènes anciennes, parfois issues de traumatismes transgénérationnels.

• Didier Dumas ou encore Maria Torok ont souligné combien les fantômes psychiques peuvent se manifester avec une acuité particulière en fin de vie, lorsque les défenses du Moi s’amenuisent

Chez certains sujets âgés, le désir de transmettre ou de réparer ce qui a été tu, brisé ou oublié est profond. Un accompagnement qui inclut la dimension transgénérationnelle :

• Permet de donner un sens nouveau aux douleurs passées,

• Offre parfois la possibilité de nommer un secret, d’adresser un message aux descendants,

• Réinstaure une continuité psychique qui répare des ruptures intergénérationnelles.

• Cela vaut aussi pour les aidants familiaux, souvent eux-mêmes pris dans des loyautés invisibles ou des silences transmis. Le travail transgénérationnel peut alors libérer plusieurs générations à la fois

Ignorer la dimension transgénérationnelle, c’est :

Réduire le sujet à ses symptômes ou à son état fonctionnel,

• Oublier que la personne âgée est aussi un parent, un enfant, un petitenfant, inscrit dans une histoire de liens,

• Passer à côté d’une compréhension fine des conflits de loyauté, des ressentiments enfouis ou des réconciliations inachevées.

• Cela revient à nier l’épaisseur narrative du sujet, à réduire sa vie à un temps linéaire, alors que la psyché fonctionne par strates, réminiscences, et mémoire affective.

Ignorer le transgénérationnel dans l’accompagnement de la personne âgée, c’est faire l’économie d’un pan essentiel de son histoire psychique. Cela peut être possible dans des cadres strictement techniques ou médicaux, mais c’est une perte profonde en termes de sens, de soin et de dignité.

Dans une perspective humaniste et psychanalytique, l’écoute du transgénérationnel chez la personne âgée est une clé de compréhension, de pacification et parfois même de transmission réparatrice.