HABITER ET VIEILLIR – LES NOUVELLES FORMES D’HABITAT

Publication du 10 mars 2023
Partager cette publication

Anny LE ROUX, coprésidente de l’association HalÂge créée en 2014 à Châteauroux (36), est venue présenter l’histoire d’un groupe de pionniers de l’habitat participatif, à la recherche d’un « chemin pour un habiter innovant dans l’âge » (sens de Hal’Âge). Une autre façon d’habiter, une autre façon de vieillir.

Pour en savoir plus  : http://halage.info/qui-sommes-nous/historique-de-lassociation/

L’ action de Hal’Âge  se situe au croisement des savoirs entre une expertise citoyenne,  la recherche universitaire, des recherches action, un partenariat avec les personnes concernées, des réflexions, des voyages d’étude en Belgique Allemagne et France, dont l’association a rendu compte lors du dernier colloque à Nantes les 6 et 7 octobre 2022, notamment dans le cadre de la Recherche Action Participative  l’étude RAPSoDIÂ qui ré interroge les questions essentielles à ce sujet et fait le point sur les avancées actuelles et les difficultés.

Pour en savoir plus : http://halage.info/les-echos-de-rapsodia/ 

Mais aussi: https://www.habitatparticipatif-france.fr/?AccueilHPF

Quelques points-clés de la conférence

LES QUESTIONS QUI SE POSENT AUJOURD’HUI

Comment vieillit-on ?

En 2015, en France hors Mayotte, selon une définition large englobant domicile et établissement, 2,5 millions de seniors sont en perte d’autonomie, soit 15,3 % des 60 ans ou plus. Parmi eux, 700 000 peuvent être considérés en perte d’autonomie sévère. Plus nombreux dans le Massif Central qu’en Ile de France et dans l’Ouest. Plus nombreux et plus jeunes dans les DOM. (source INSEE).

49% des résidents en EHPAD ont des troubles cognitifs avérés – 1 million de personnes en dessous du seuil de pauvreté.

Où vieillit-on ?

Majoritairement à domicile. Parmi les seniors de 75 ans ou plus, 8,8 % seulement vivent en institution. Ceux des DOM, de Paris et de la Corse vivent plus souvent à domicile que ceux des départements de l’Ouest ou du Massif central (source INSEE).

Pour maintenir constant le pourcentage de personnes en établissement par département, sexe, tranche d’âge et degré de perte d’autonomie, il faudrait que le nombre de places en hébergement permanent en établissements pour personnes âgées augmente de 20 % d’ici à 2030 et de plus de 50 % à l’horizon 2050. (source INSEE).

Est-ce vraiment la bonne réponse aux besoins des « nouveaux vieux ».

Que veut-on ? Quels sont les besoins des personnes vieillissantes ?

  • Tout le monde ne vieillit pas de la même manière ni dans le même contexte.
  • On sait ce que l’on ne veut pas : l’EHPAD, rester seul chez soi.
  • Dans ce que l’on veut, revient : vivre chez soi, en autodétermination,  jusqu’au bout de la vie.
  • Bailleurs sociaux et institutionnels ont compris que la génération qui arrive aura d’autres besoins, d’autres demandes que la précédente.
  • Contexte favorable à faire du neuf : les papy/mamy/boomers, le retrait de l’Etat providence, la démocratie participative, l’écologie.
  • Comment résister à l’âgisme ? Travail à faire sur les représentations du vieillissement.
  • Vivre ensemble, les questions de mixité ( générationnelle, homme/femme, LGBT, socio -culturelle, revenus…). Doit-on ? Que doit on partager pour vivre ensemble ? La mixité sociale, une question d’échelle ?

LES MOTIVATIONS  POUR UN HABITAT PARTICIPATIF

Le concept répond au besoin de « bien vieillir chez soi », en sécurité et avec une vie sociale citoyenne. Equation complexe du désir de sécurité/désir d’autonomie.

Source :  Anne LABIT

TYPOLOGIE D’UN HABITAT ALTERNATIF

Source :  Anne LABIT – Note de synthèse sur l’habitat participatif à la demande de la Fondation de France

HABITAT PARTICIPATIF ET HABITAT INCLUSIF

Depuis les années 2000, de nouveaux acteurs apparaissent hors champ du médico-social : pouvoirs publics, les communes surtout, les bailleurs sociaux, les organisations de l’ESS, les personnes vieillissantes elles-mêmes. On voit aussi des soignants qui ne veulent plus travailler en institution et se mettent en autoentrepreneur avec une maison à mettre à disposition.

Habitat accompagné (maîtresse de maison)

Habitat groupé autogéré :un groupe de personnes décide de prendre en charge le choix d’habiter ensemble (jeunes…)

Les habitats partagés écolo, fin des années 80.

Comment inclure, et jusqu’où ?

Des lois tentent d’encadrer ces nouveaux besoins.

Deux encadrements juridiques différents

Deux encadrements juridiques relevant de deux codes différents, chacun dans leur sphère d’action, compliquent la question de l’inclusion de ces nouveaux modes de vie. La loi ALUR (2014) relève du code de la construction et de l’habitation, la loi ELAN (2018), relève du code de l’action sociale et des familles.

HABITAT PARTICIPATIFHABITAT INCLUSIF
Loi ALUR – 2014 – pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – Code de la construction et de l’habitation (CCH)Loi ELAN – 2018 – portant sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique  – Code de l’action sociale et des familles (CASF)
« Une démarche citoyenne qui permet à des personnes physique de s’associe, le cas échéant, avec des personnes morales, afin de participer à la conception de leurs logements et des espaces destinés à un usage commun » Le plus souvent, initiative habitante, pas d’aidants pro, public non spécifique« A destination de personnes en situation de handicap ou âgées qui choisissent, à titre de résidence principale, un mode d’habitation regroupé entre elles, avec d’autres personnes, assorti d’un projet de vie sociale et partagée . » Porteurs de projet, aidants pro, public spécifique.
Repères : Des locaux communs. Les prestataires qui interviennent sont payés par les habitants. Démarche citoyenne : les habitants décident et font eux-mêmes, avec un accompagnement. Mutualisation des moyens (laverie, jardin partagé, lingerie…) mais à des niveaux très différents.Repères : Les personnes mettent en commun l’aide ADPH de chacun. Les besoins sont déterminés par les personnes elles-mêmes et/ou par l’institution … Le département refuse l’Aide à la Vie Partagée à des personnes vivant avec des troubles cognitifs, sous prétexte qu’elles ne pourraient pas déterminer elles-mêmes leurs besoins.

Distinguer les deux notions c’est déjà exclure, alors que la frontière est très poreuse : les personnes concernées peuvent être les mêmes. Tout cela entraîne clivages, règles différentes, qui auront un coût pour la collectivité.

Des expériences multiformes pour des besoins différenciés

  • Des personnes âgées ont le besoin de ne pas habiter seules mais n’ont pas la fibre participative.
  • L’habitat participatif (HP) n’est pas fait pour tout le monde : même profil de personnes, de classe sociale.  Envie, moyens socio-culturels… Mais cela doit être rendu possible.
  • Le renouvellement des résidents va changer les besoins. Quand l’un quitte l’HP , le remplaçant prend ce qui est…
  • Quand c’est l’institution qui porte le projet, il est important de coconstruire avec les futurs habitants. La vieillesse n’est ni une maladie ni une marchandise !
  • L’Habitat participatif  n’est pas la seule solution. Le plus important est de faire avec les gens

LES QUESTIONS SOULEVEES ET LES DIFFICULTES RENCONTREES

Nécessité de règlements de copropriété, de colocation… et d’une Charte :  C’est une discussion, certains groupes préfèrent une charte des pratiques à une charte des valeurs. D’autres n’ont pas de charte, les statuts de l’association faisant office de consensus.

Quid du maintien de la diversité  sociale, et de l’équilibrage générationnel

Tendance vers les groupes affinitaires  entre écolos, entre seniors, entre femmes, LGBT, intellectuels de gauche, maison des pauvres, des sages etc…                                     

La question du regroupement sur le critère de moyens intellectuels et/ou financiers est discutable, mais pour les LGBT, par exemple, il est audible de ne pas vouloir retourner au placard et donc de rester entre soi.

Un reflet de l’état de la société

De multiples exemples montrent que des partenaires s’engagent puis se retirent au gré des difficultés ou opportunités locales.

La grande question : est-ce que l’Habitat Participatif permettra de garder les personnes devenues Alzheimer ?

La question centrale  : être un poids pour les autres. « Ne pas peser sur les enfants »,  mais pas non plus sur le collectif.

Proposer une circularité de l’aide : que ce ne soit pas toujours le même qui s’occupe de l’un…

La limite temporelle 

Jusqu’à quand habiter ensemble ? Liberté de chacun et bonne entente (moments de rencontres possibles).

Concevoir les nouveaux projets pour y vivre jusqu’au bout ?   Questions//fin de vie//la dépendance et le passage à l’assistance/la gouvernance/la médicalisation. Evolution de la fonctionnalité des lieux. 

La limite financière 

Projet coûteux surtout si l’on est en autopromotion, en SCI. D’abord le prix du foncier Puis les aides insuffisantes : L’AVP varie de 3000 à 8000 € maxi et 60000 € par projet à l’année. Souvent, l’aide ne dépasse pas 2000 €, car le ministère  dispose de crédits alloués sur une moyenne de 3200€ par personne, donc impossible d’atteindre les 8000 € prévus par les textes.

Solution : Mobiliser les élus, mais manque d’inscription dans une politique publique et dans une infrastructure juridique et administrative dédiée.

La limite des compétences :

Il faut au moins une « Association des amis de l’habitat » de bénévoles pour assurer le lien social (Les gens ne payent pas pour un animateur s’ils n’en sentent pas le besoin). Si le public comporte des personnes  Alzheimer, il faut que les bénévoles soient formés.

ET DEMAIN ? COMMENT AVANCER

  • Investissement énorme sur chaque projet, en motivation, en temps, long et difficile à réaliser…Coûteux surtout si l’on est en autopromotion, en SCI. 
  • Déconstruire les représentations, augmenter le niveau de responsabilisation, d’entraide, de conscientisation, travailler sur les peurs….
  • Questions//fin de vie//la dépendance et le passage à l’assistance/la gouvernance/la médicalisation. Evolution de la fonctionnalité des lieux.  Logements adaptés aux normes si locaux réhabilités.

Il est nouveau de demander aux gens de penser leur vieillesse. Que veut dire bien vieillir ?

Les plus âgés  osent ils exprimer leurs besoins sans réserve au groupe ? Utilise t’on leurs capacités restantes, tiens t’on compte de leur expérience ? Ateliers de co construction… Partage des responsabilités. Place des bénévoles….

Hal’âge  a  écrit un « Résumé à l’intention du décideur ». Tenir compte des besoins, penser plus loin, jusqu’au quartier. Elargir…

Comment voir cela au niveau d’une rue, pour les personnes qui ne seront pas en habitat participatif… Sur quoi on peut bâtir à partir des expériences en dépassant la question de l’habitat?

C’est le quartier qu’il faut penser…. Articulation entre collectif et respect de l’individualité.